Un tableau clinique n’est pas seulement une photographie d’un malade dans son lit, c’est une peinture impressionniste avec autour de lui, sa maison, son travail, ses parents, ses amis, ses joies, ses peines, ses espérances et ses peurs ». Cette parabole est de Francis Weld Peabody, médecin américain (1881-1927).
Cette citation remet en perspective le patient comme un être social. Cette personne qui donne sa confiance à un médecin ne se résume pas à sa maladie, à son organe défaillant. Le médecin prendre en compte son environnement social, familial mais aussi ses besoins et ses ressentis.
La médiation préventive permet d’améliorer la communication entre le patient et son médecin, mais aussi d’accompagner et de protéger la santé.
Par médiation préventive, nous entendons la médiation qui peut être utilisée alors que le litige n’existe pas. Elle vient comme un soutien, comme un outil qui permet d’éviter les évènements conflictuels ou les situations difficiles.
Deux exemples nous ont parlé et méritent à notre sens qu’on s’y arrête, mais de très belles initiatives existent partout en France et à l’étranger.
Le premier exemple concerne le centre Babel, centre de ressource européen en clinique transculturelle qui expérimente, depuis 1998, la médiation transculturelle. Ce dispositif est destiné aux professionnels hospitaliers confrontés à des situations difficiles avec des patients migrants atteints de pathologies chroniques.
Un médecin médiateur travaille avec un facilitateur culturel, expert de la culture du patient.
L’objectif de la médiation transculturelle est de modifier les conditions de la rencontre entre les équipes médicales d’une part, et les patients et leurs parents dans les situations pédiatriques d’autre part. La médiation transculturelle vise à réhabiliter la parole et l’expérience personnelle de la maladie des patients et des proches.
L’hôpital Necker, hôpital pour enfants appartenant au groupe de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP) s’est engagé dans ce processus en 2014. La médiation transculturelle dure entre deux et quatre heures. Elle est organisée à la demande du médecin lorsque l’équipe médicale suspecte que des difficultés concernant le traitement d’un patient sont liées à des freins culturels. Par exemple, le refus des soins pour un patient migrant avec un pronostic vital engagé sans explication rationnelle du refus, ou le patient qui suit un traitement traditionnel qui peut mettre en danger le traitement médical.
Dans la première partie de la médiation, le médecin de l’hôpital est sollicité pour décrire la situation médicale de l’enfant, le traitement proposé, et les difficultés ou les inquiétudes qui l’ont poussé à demander la médiation. Le médiateur culturel traduit si besoin et utilise sa connaissance de la culture pour rendre le vocabulaire médical accessible à la famille. Le médecin médiateur du centre Babel reformule certaines des déclarations du médecin pour s’assurer que la famille comprend parfaitement les questions liées à la maladie de leur enfant et le médiateur culturel traduit si nécessaire.
Dans la deuxième partie de la consultation, la famille est invitée à s’exprimer, avec l’aide du médiateur culturel, sur sa propre compréhension de l’origine de la maladie et des traitements.
Enfin, avec l’aide de l’équipe transculturelle, la famille et l’équipe médicale de l’hôpital sont invitées à construire ensemble un récit dans lequel la maladie trouve un sens dans l’histoire de vie de l’enfant, et un projet de soins qui intègre en complémentarité les ressources de la médecine occidentale et celles de la famille.
La consultation de médiation transculturelle apparait comme un moment intense de communication durant lequel les familles peuvent s’exprimer sur des sujets qu’elles n’avaient encore jamais évoqués.
Quand les médecins ont été interrogés sur les raisons pour lesquelles les familles n’avaient jamais abordé ces sujets auparavant, les médecins ont pointé le peu de temps qu’ils ont à consacrer à chaque famille, la barrière de la langue et les difficultés de communication qui en découlent, ainsi que leur propre inconfort à l’idée de poser des questions sur l’histoire de la famille.
Cette expérience a amené à une compréhension réciproque. Les médecins ont pris conscience de l’importance d’envisager la singularité du fonctionnement familial et culturel au-delà de la logique médicale cartésienne.
Les résultats ont mis en valeur le fait que la médiation permet d’apaiser les tensions entre soignants et familles et de rendre les soignants plus conscients du problème de l’altérité culturelle.
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Le second exemple est celui de la confrontation entre deux cultures dont la signification des rapports entre le corps et l’esprit est différente.
Dans la culture éthiopienne, le sang est le siège de l’âme. Toute prise de sang devient donc un problème pour un sujet éthiopien. Perdre son sang, c’est perdre son âme. Le principe de vie est attaché au sang qui coule dans nos veines. Comment permettre, en particulier, le contrôle du sida auprès de ces personnes ?
Une jeune fille éthiopienne de 17 ans a été diagnostiquée par les services hospitaliers porteuse du sida. Elle désigne alors un jeune homme, avec qui elle a eu récemment des rapports sexuels. Il est décidé la mise en place d’une médiation sur la base de deux rencontres, afin que le jeune homme accepte non seulement la prise de sang, mais aussi de révéler s’il avait connu d’autres partenaires sexuels durant cette période.
Il est proposé, dans un premier temps, une information générale, puis une rencontre individuelle. La thématique est abordée sous l’ordre : protéger sa vie et la vie des autres, une responsabilité qui se tient au-delà de sa propre vie. Le jeune homme entend que son sang peut se mêler à celui des autres et les empoisonner. Son sang peut devenir source de mort et non plus source de vie. Il lui est difficile de se résigner, mais il finit par écouter le médecin et par lui confier les noms de ceux qui auraient pu se trouver en contact avec lui. L’attitude du médiateur, le respect de la confidentialité, son absence de jugement, l’écoute attentive du médecin et celle du jeune homme, ont permis, dans un climat de respect mutuel, de protéger la vie dans cette situation où le conflit interculturel était engagé.
A travers ces exemples, on se rend compte que la médiation comme prévention à la santé est un véritable allié pour le système sanitaire.
En effet, si la France bénéficie d’un système de santé performant, celui-ci est aussi très complexe et l’accès aux soins peut être difficile pour certains publics.
De plus, la médiation dans ce contexte va permettre aux médecins un gain de temps tout en améliorant grandement la qualité des soins par une complète adhésion aux soins du côté du patient et une meilleure compréhension par le professionnel de santé de son patient, de ses besoins, de ses croyances et de son environnement. La médiation, ici, a un rôle d’éducation et de prévention à la santé. Elle va permettre ainsi d’éviter les ruptures de soins et des mises en danger.
Finissons cette chronique par une citation tantôt attribuée à Louis Pasteur, tantôt à Hippocrate. Peu importe ! Ces deux grands hommes auraient pu le dire : la médecine c’est « guérir parfois, soulager souvent, écouter toujours ».
Cette citation à elle seule pourrait faire l’objet d’un article. Nous vous laissons méditer sur cette magnifique phrase, dans l’attente du plaisir de vous retrouver très vite !
©Hermès Médiation – centre de médiation – Poitiers
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