La justice restaurative : pour une autre justice

Vous avez vu le film « Je verrai toujours vos visages » ? Vous avez aimé ? Ou, à tout le moins, le sujet vous a interpellé ? Alors vous êtes mûrs pour aborder l’ouvrage d’Antoine Garapon « Pour une autre justice – la voie restaurative » (Ed. Puf – 2024).

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Et si vous n’avez pas vu le film, on ne peut que vous le recommander avant de vous plonger dans le livre d’Antoine Garapon. Le magistrat, qui a été juge pour enfant, enquêteur sur les atrocités de masse et membre de la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise (CIASE), propose une réflexion profonde sur les limites de la justice pénale face à l’effroi que suscitent certains crimes, comme l’inceste ou les abus sexuels commis par des religieux, car les faits dépassent la simple question de la transgression de la loi et de la punition des auteurs. Quand la justice institutionnelle et ses professionnels du droit se focalisent sur les auteurs des crimes, la justice restaurative conduite par les citoyens se penche sur les victimes pour ouvrir la voie de leur reconstruction et de la réparation du lien social.

C’est le cas des crimes de masse, des crises contre l’humanité, l’inceste ou les abus sexuels qui font tomber les repères fondamentaux de la construction de tout être humain. Que reste-t-il de la sécurité d’un foyer et de l’amour familial après l’inceste ? Que garde-t-on de la notion du pouvoir – politique –, de la foi envers les institutions et des loi censées nous protéger lorsque l’Etat conduit au crime ? Qu’en est-il de la représentation des valeurs, de la morale et du sacré après avoir été victime d’un viol par une autorité religieuse ? La nature du crime dépasse tout ce dont la justice ordinaire dispose pour condamner les auteurs avec l’arsenal juridique existant.

Antoine Garapon rappelle que « la justice s’était réglée sur le postulat implicite du droit naturel de la victime à se venger ». La peine prononcée devait apportée à la victime une « satisfaction substitutive » et, à la société, un apaisement « des pulsions cruelles réveillées par le crime […] La justice restaurative invalide ce postulat. Les attentes de la victime ne sont plus de l’ordre de la vengeance comme contre-violence mais d’une recherche d’innocence pour elle-même. » En résumé, la justice condamne les auteurs pour leurs crimes dans le cadre strict du droit, mais la sauvagerie des actes peut être telle que la punition infligée par les lois n’apportera pas une réponse appropriée à la victime pour lui permettre de se reconstruire, de retrouver sa dignité, de se refaire une place dans le tissu familial et social.

La plainte en justice confie à d’autres le soin de faire justice pour soi. Mais le système a ses limites lorsqu’il s’agit de se rendre justice à soi-même. La condamnation par la justice pénale, dans une logique de sacrifice, vise à exclure de la société l’auteur du crime pour le punir, alors que la justice restaurative entend au contraire l’inclure dans une rencontre avec la victime, « le rassemblement par la parole ». Pour accompagner les victimes dans leur réparation, la justice restaurative propose trois expériences : renouer avec l’action, retrouver la parole et se projeter à nouveau dans le temps. « L’action, la parole et le temps, trois ouvertures qui laissent entrevoir le dépassement de la justice ordinaire et d’un droit conçu comme système. »

L’expérience de la justice restaurative a montré des résultats étonnants. La confiance sur laquelle elle mise pour libérer la parole a parfois permis d’en apprendre davantage sur les faits commis et le passé que ce qu’ont permis les interrogatoires et les enquêtes. L’appréhension de la condamnation a pu conduire les auteurs à se murer dans le silence. La justice restaurative, elle, invite au contraire à vider son sac. « Si le procès conduit du différend à sa résolution par la raison procédurale et juridique, la justice restaurative part du commun pour aboutir à la séparation. Mais une séparation apaisée. »

Antoine Garapon en arrive à la conclusion que la justice ordinaire et la justice restaurative ne doivent pas être considérées comme deux étapes distinctes, alternatifs ou successifs, « mais comme deux états d’une même justice ». Et de préciser : « ces deux formes de justice articulent la singularité et l’universalité, le subjectif et l’objectif. C’est aussi l’articulation entre l’égalité qui l’ordre du droit, et l’intimité qui est de l’ordre du rapport à soi. »

©Hermès Médiation – centre de médiation – Poitiers

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