La reconnaissance, incontournable dans le processus de médiation

Dans son œuvre, « Vingt-quatre heures dans la vie d’une femme », l’écrivain Stefan Zweig affirmait : « la reconnaissance, on la voit si rarement se manifester chez les gens ». Alors, quand elle apparait, elle s’offre comme un cadeau de la vie, et elle est si précieuse qu’elle mérite d’être valorisée et racontée.

Février 2025, tribunal correctionnel : deux femmes sur le banc des accusés, l’une représente l’hôpital, l’autre est infirmière et doit répondre personnellement de ses actes. En diagonal des accusées, une femme seule.  Elle est victime. Cette femme a perdu son bébé à cinq jours de vie à l’hôpital alors qu’elle vivait sa première expérience de maman.

En apparence, tout oppose cette femme qui a perdu son enfant aux deux accusées, l’infirmière et l’hôpital, la première du fait de son erreur, le second du fait d’un dysfonctionnement de service imputable à l’hôpital.

La mère et les deux infirmières sont toutes les trois assistées par un avocat en charge de leur défense. En effet, dans un tribunal correctionnel, le droit s’impose, la défense de chacun est de rigueur, les arguments juridiques défilent pour une justice équitable.

Et pourtant, ce jour-là, il se joue dès le début de l’audience autre chose… Aucune ne semble vouloir se battre pour avoir raison. Aucune ne réplique pour surenchérir. Toutes les trois ont décidé de se respecter, de s’écouter et de se reconnaitre.

L’infirmière personnellement en cause reconnait sa responsabilité. Elle ne nie pas le lien direct entre son erreur de dosage et le décès. Elle avoue sa culpabilité sans détour. Dix ans après les faits, elle est encore éprouvée. Elle ne peut regarder la partie civile. Son erreur a ôté la vie et marquera à jamais la sienne.

L’hôpital a ce devoir de solidarité vis-à-vis de ses soignants. Il ne peut se disculper derrière l’erreur d’un professionnel car, au-delà de cette faute qui parait personnelle, se cache nécessairement des pratiques à protocoliser et un fonctionnement à améliorer.

Cette maman raconte sa vie, ses douleurs, mais elle reste digne. Elle dit comprendre les souffrances de la soignante et ne pas lui en vouloir.

Dans ce tribunal, tout est affaire de reconnaissance. D’ailleurs, dans sa plaidoirie, l’avocat de la partie civile indique avoir obtenu la reconnaissance qu’il souhaitait et qu’il ne demande pas de condamnation.

Paul Ricoeur, philosophe français du 20e siècle, définit la reconnaissance autour de trois axes.

Le premier axe est la reconnaissance d’un objet, à savoir son identification ou son exploration. Le deuxième axe est la reconnaissance de soi. Elle se manifeste quand la personne assume ses actes, sa responsabilité, et qu’elle reconnait ses fautes. Le troisième axe est la reconnaissance mutuelle qui repose sur la réciprocité, impliquant gratitude et respect mutuel. Paul Ricoeur parle également de don cérémoniel défini comme cet échange qui prend la forme de mutualité et qui dépasse les règles d’équivalence ou l’obligation de rendre un contre-don immédiat.

Les trois axes de la reconnaissance de Paul Ricoeur étaient présents durant cette audience : la reconnaissance des faits, la reconnaissance de culpabilité et la reconnaissance de la souffrance de l’autre.

Le médiateur doit pouvoir rechercher systématiquement le troisième axe à savoir cette reconnaissance mutuelle afin d’apaiser les personnes en conflit.

Nous finirons sur une citation de Ménandre, auteur Grec de l’époque hellénistique : « Le fruit le plus agréable et le plus utile du monde est la reconnaissance ». 

©Hermès Médiation – centre de médiation – Poitiers

Lire aussi : La justice restauration, c’est quoi ?

Partager l'article sur