Emmanuelle Daviet, journaliste, est médiatrice des antennes de Radio France depuis septembre 2018. Elle était auparavant déléguée à l’éducation aux médias, à la diversité et à l’égalité des chances à France Inter, et responsable du programme citoyen d’éducation aux médias, InterClass’, qu’elle a créé en 2015 à la suite des attentats, à la demande de Laurence Bloch, alors directrice de France Inter.
Qu’est-ce qui vous a amené à la médiation ?
Lorsque mon prédécesseur a décidé de prendre sa retraite, j’ai ressenti une connexion évidente entre son travail à une vaste échelle au sein de Radio France et ce que je faisais alors à France Inter. Cela m’a poussé à réfléchir à ma candidature et j’ai pris rendez-vous avec lui pour recueillir son avis. Bien que nos chemins se soient croisés à France Info, nous avions un peu perdu contact depuis. Il connaissait toutefois mon parcours au sein de la Maison ronde et je souhaitais avoir son opinion quant à ma légitimité pour le poste de médiatrice.
Il est possible que le point de vue du médiateur sortant sur son successeur n’ait pas une influence décisive pour une nomination. Cependant, je pense que la présidente ou le président de Radio France n’y est pas insensible. La validation du médiateur sortant pour ma candidature revêtait une signification particulière pour moi. Lorsque je lui ai posé la question, il m’a répondu : « Pourquoi ne pas postuler ? » À partir de ce moment-là, j’ai rédigé une lettre à la présidente de Radio France, Sibyle Veil. Elle m’a reçue, tout comme elle a reçu d’autres candidats. Quelques semaines plus tard, ma candidature a été retenue et j’ai été nommée médiatrice de Radio France. Mon profil devait donc correspondre aux attentes pour remplir cette mission.
Quel doit être le profil du médiateur de Radio France ?
Le poste de médiateur à Radio France a été créé il y a 21 ans, en 2002. Son rôle, c’est d’être l’intermédiaire entre les auditeurs et les différentes antennes du groupe. Comme je le disais, le médiateur est nommé par la présidente ou le président de Radio France. Il est placé sous sa responsabilité directe. Jusqu’à 2018, ce poste n’avait été occupé que par des hommes. Avant d’occuper la fonction de médiateur, ils avaient été, soit directeur de chaîne comme Pascal Delannoy qui a été directeur de France Info pendant quinze ans, soit directeur de rédaction, à France Inter ou à France Culture. Mon prédécesseur, pour sa part, avait été secrétaire général de France Info, et le tout premier médiateur de Radio France, nommé par Jean-Marie Cavada à l’époque, avait été directeur de l’information du journal Le Monde et ancien conseiller du Conseil supérieur de l’audiovisuel (NDLA : depuis le 1er janvier 2022, la fusion du Conseil supérieur de l’audiovisuel – CSA – et de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet – HADOPI – a donné naissance à l’ARCOM, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et du numérique). Il s’agissait donc de postes de direction très affirmés dans la hiérarchie du groupe, ce qui créditait le médiateur d’une forte légitimité. Tous les médiateurs de Radio France sont journalistes. Pour ma part, je suis la septième à être nommée à ce poste.
Quelles doivent être les qualités du médiateur de Radio France ?
Il me semble qu’il faut avoir d’abord une grande qualité d’écoute, être à la fois l’avocat des auditeurs et l’avocat des journalistes, ce qui nécessite d’être sensible aux arguments des uns et des autres. Il faut ensuite une réelle qualité de discrétion. C’est un poste où l’on est indépendant, un poste de solitaire. On est certes en contact avec tout le monde mais on n’a pas à se répandre. Il y a une forme de confidentialité à avoir. La question de la confiance accordée au médiateur est extrêmement importante. Quand on est nommé, la présidente ou le président du groupe doit avoir toute confiance en son médiateur sur les attendus de discrétion que requiert le poste.
Je pense également qu’iI est nécessaire d’aborder cette fonction avec une certaine humilité. Mon rôle en tant que médiatrice ne consiste pas à dire en face à face à des journalistes qu’un sujet aurait nécessité un traitement médiatique différent. Cette responsabilité incombe à leur hiérarchie respective. Chaque rédaction dispose de mécanismes internes pour évaluer le travail de ses journalistes. Il va de soi que chaque membre des rédactions de Radio France s’efforce de faire au mieux, dans l’exercice de son travail. Je ne vois autour de moi que des professionnels engagés, soucieux de fournir une information de qualité.
En revanche, lorsque des reproches sont formulés par les auditeurs, il est important d’expliquer pourquoi certaines choses peuvent être perçues de telle manière. Mon rôle se situe entre ceux qui œuvrent au sein des rédactions et qui cherchent à offrir une information fiable, et les auditeurs citoyens lambda qui, pour la plupart, ne sont pas familiers de nos pratiques professionnelles. Je m’efforce de faire le lien en expliquant aux uns comment nous travaillons, et aux autres pourquoi certains choix éditoriaux peuvent être mal compris. La médiation est présente pour éclairer et décrypter des pratiques qui ne sont pas toujours bien comprises par le grand public.
Bien entendu, il peut arriver qu’il y ait des erreurs au sein des rédactions. Nous sommes tous humains et susceptibles de faire des erreurs. Il peut alors y avoir des excuses présentées à l’antenne par la chaine.
À notre époque, il est primordial d’avoir la possibilité de mettre en avant les critiques et de restaurer le dialogue. La médiation joue donc un rôle essentiel dans cette mise en relation entre les auditeurs et les professionnels de l’information. C’est un espace où les interrogations et les remarques peuvent être exprimées, où des clarifications peuvent être apportées. Cette fonction permet de favoriser une meilleure compréhension mutuelle, de renforcer la transparence et de contribuer à la connaissance de notre travail journalistique dans le respect des principes déontologiques et des valeurs du service public.
En somme, la médiation est une passerelle entre les auditeurs et les rédactions, une opportunité de dialogue constructif et de réflexion sur nos pratiques qui peuvent parfois sembler complexes.
Elle offre la possibilité de mettre en lumière les critiques et de restaurer la confiance avec le public. Dans un contexte où les médias sont soumis à de nombreuses interrogations, la médiation joue un rôle clé dans le maintien d’un journalisme responsable, fiable et en phase avec les attentes de notre société.
Lorsque le médiateur est nommé, suit-il une formation particulière ?
Non. Bien que je trouve intéressante l’idée de suivre une formation sur la médiation conventionnelle, la médiation judiciaire ou familiale, je pense que cela diffère considérablement de la médiation de presse. La médiation de presse ne consiste pas à mettre deux personnes autour d’une table pour engager un dialogue. Il s’agit d’un processus bien distinct.
En général, je suis favorable à la formation continue tout au long de la vie. Cependant, dans le cas de la médiation de presse, je ne suis pas certaine de la manière dont elle pourrait être traduite en termes de formation formelle. Cela repose davantage sur l’expérience et la connaissance fine des pratiques au sein des rédactions qui, à Radio France, fonctionnent chacune différemment. À cet égard, je suis très familiarisée avec les rouages de cette grande maison, ayant exercé des fonctions à France Info et à France Inter. Cette connaissance approfondie me paraît essentielle.
Il est également crucial de bien comprendre le fonctionnement de cette institution de l’audiovisuel public. La médiation ne se limite pas à des tiers inconnus, mais elle englobe les différentes antennes de Radio France, qui touchent quotidiennement 15 millions d’auditeurs. C’est une fonction qui nécessite une vision panoramique complète.
Les médiateurs de presse sont peu nombreux aujourd’hui. Pourtant, il y a quelques années, la fonction semblait trouver toute sa place au sein des organes de presse qui en avaient. L’histoire montre finalement qu’ils restent peu nombreux et que la tendance est plutôt de supprimer cette fonction comme ce fut le cas au journal Le Monde.
Quel regard portez-vous sur cette évolution ?
Dans le contexte actuel où les ressources de la presse se réduisent, je comprends que les rédactions privilégient l’affectation des journalistes à des tâches plus directement liées au travail sur le terrain, à l’écriture ou aux reportages, plutôt qu’à des fonctions de médiation. Dans un environnement économique contraint, avoir un médiateur peut être considéré comme un luxe pour un média. Cependant, il est important de ne pas oublier qu’il existe une réelle appétence du public pour le dialogue et l’échange avec les journalistes.
En presse écrite, on retrouve souvent une rubrique dédiée au courrier des lecteurs. Bien que cela ne soit pas tout à fait la même chose, son existence témoigne de l’importance accordée à la participation du public. Je regrette personnellement cette absence de médiateur dans les rédactions. Lorsque j’étais en charge de l’éducation aux médias et à l’information sur France Inter, j’avais même plaidé lors des Assises du journalisme de Tours, en 2016, pour la création d’une cellule dédiée à l’éducation aux médias dans chaque rédaction de presse écrite, radio ou télé en France. Il aurait été tout à fait pertinent que cette cellule intègre également un médiateur, qui aurait pu jouer un rôle dans la sensibilisation du public aux enjeux médiatiques.
Je suis donc pleinement consciente de l’importance de la pédagogie concernant nos pratiques journalistiques, et cela me semble d’autant plus crucial dans le contexte médiatique actuel. Bien que les contraintes budgétaires puissent limiter la présence d’un médiateur, je reste convaincue que favoriser le dialogue avec le public et promouvoir une meilleure compréhension des médias sont des démarches essentielles.
Adhérez-vous à un réseau de médiateurs ?
Effectivement, je suis membre de la commission des médiateurs de l’association « Les médias francophones publics ». Cette commission regroupe les médiateurs de plusieurs médias, tels que Radio Canada, la RTBF en Belgique, la RTS en Suisse, France Télévision et France Médias Monde. Actuellement, je préside cette commission des médiateurs. Nous nous réunissons en présentiel une fois par an et en visioconférence une à deux fois par an. Lors de ces rencontres, nous échangeons principalement sur les sujets éditoriaux qui suscitent le plus de réactions de la part de nos publics respectifs. Nous partageons également nos expériences et nos approches de la médiation, car nous avons tous nos propres méthodes de travail.
Lors de notre dernière réunion en 2022, nous avons constaté des points de convergence sur des sujets sensibles, tels que la coupe du monde au Qatar. Les publics de la RTBF, de France Médias Monde et de Radio France exprimaient leur demande de boycotter cet événement, ne comprenant pas pourquoi les rédactions choisissaient de le couvrir plutôt que de dénoncer les conditions économiques, sociales et environnementales entourant cette compétition. Pourtant, ces conditions avaient bien été mises en lumière sur nos antennes respectives. En tant que journalistes, nous avons la responsabilité de couvrir un événement dans sa globalité, tout en étant en mesure de traiter les aspects connexes. Il est intéressant de noter que France Télévision n’a reçu aucun courriel spécifique sur ce sujet.
Concernant le conflit en Ukraine, tous nos médias ont reçu des messages, bien que Radio Canada en ait eu légèrement moins. Certains reprochaient une vision trop occidentale du conflit, avec une perception pro-ukrainienne et un parti pris considéré comme anti-russe. En revanche, à Radio France, l’essentiel des messages que j’ai reçus, je le souligne car ce n’est pas la majorité des courriels que l’on enregistre, étaient des messages très positifs sur la couverture de cette guerre, avec un plébiscite pour le podcast consacré à ce conflit.
À l’époque, il y avait également des manifestations en Iran, et France Médias Monde a reçu des messages reprochant une couverture jugée trop discrète. Ces messages provenaient souvent de la diaspora iranienne en Europe et en France, accusant les journalistes de ne pas prendre suffisamment position en faveur de la jeunesse iranienne. Pour Radio Canada, les courriels concernaient surtout les élections, car les Québécois avaient réélu la coalition de droite en début octobre. Les questions d’immigration et d’identité québécoise étaient au cœur des débats.
Ces échanges entre les médiateurs des médias francophones publics nous permettent de constater que, sur des sujets similaires, chaque médiateur, avec les propres sensibilités de son auditorat, recueille des points de vue divergents. Cette diversité reflète la richesse des débats et des attentes de nos publics respectifs.
En quoi vos pratiques de médiateur de presse sont-elles différentes ?
Les pratiques de médiation de presse que j’ai mises en place à Radio France sont très différentes des autres médias. Je ne m’inspire pas des pratiques de mes collèges médiateurs pour la simple raison que nos publics ne sont pas les mêmes, notamment en termes d’engagement des auditeurs qui nous écrivent. A ce titre, la médiation de Radio France a un positionnement qui est tout à fait unique dans le paysage médiatique français et européen. Un des éléments majeurs qui nous distingue est précisément le volume considérable de messages que nous recevons. L’année dernière, j’ai traité pas moins de 144 000 messages. C’est une volumétrie exceptionnelle, qui nécessite de la réactivité et une qualité dans les réponses que nous apportons. Chaque message qui nous parvient est lu attentivement, car nous ne voulons pas passer à côté d’un mail sensible ou d’une alerte importante. Cette rigueur nous permet de garantir un traitement attentif et équitable à chaque auditeur qui prend la peine de nous écrire.
En discutant avec mes collègues médiateurs, je constate qu’aucun autre média n’accomplit un travail de médiation à une telle échelle. Notre fonctionnement au sein de Radio France continue de se développer au fil des années, en prenant en compte les spécificités de notre environnement médiatique, en améliorant notre site ou notre assistant conversationnel. Nous mettons un point d’honneur à fournir un service de médiation exhaustif, réactif et de qualité.
Comment sont traités les saisines ?
Les auditeurs nous font parvenir leurs messages directement via le site de la médiation ou sur les sites des émissions concernées, et nous recevons l’ensemble de ces correspondances. Parmi les dispositifs de médiation à Radio France, ce sont les émissions diffusées sur nos antennes qui offrent la plus grande exposition. En invitant des journalistes et des producteurs, nous répondons aux questions des auditeurs, ce qui constitue des moments privilégiés de décryptage. C’est l’occasion d’expliquer le travail des journalistes et des rédactions, de dévoiler les coulisses de la production de l’information. Je suis présente chaque samedi sur France Info, une fois par mois sur France Inter et une fois par mois sur France Culture. Cependant, ces émissions ne représentent qu’une infime partie des messages que nous recevons.
En arrivant à la médiation, j’ai estimé que ces messages méritaient d’être davantage mis en lumière et qu’il fallait leur donner plus de visibilité. C’est ainsi que j’ai créé la « Lettre de la Médiatrice ». Ce format numérique, publié chaque vendredi, présente les thèmes d’actualité et leur traitement éditorial qui ont suscité le plus de réactions de la part des auditeurs au cours de la semaine écoulée. J’y publie les critiques, les remarques, les suggestions, ainsi que les messages de compliment, lesquels représentent 6% de l’ensemble des messages reçus. La rédaction de cette lettre demande un travail important de sélection, car nous recevons en moyenne 4 500 courriels par semaine.
Lorsque les auditeurs expriment de l’incompréhension, voire de la colère à propos d’un reportage ou d’un choix journalistique, j’apporte des explications détaillées, en décrivant les pratiques et en mettant en lumière les coulisses de la réalisation. Il m’arrive parfois de solliciter le journaliste responsable du reportage ou le directeur de la rédaction. Dans la « Lettre de la Médiatrice », je m’efforce d’être factuelle. Par exemple, lorsque les auditeurs nous reprochent de ne pas avoir couvert un sujet, je publie tous les liens en rapport avec le traitement de cette actualité, afin qu’ils puissent écouter le travail effectué par les rédactions. Lorsque une erreur a été commise sur une antenne, c’est également le lieu pour l’évoquer.
Dès la création de la « Lettre de la Médiatrice », j’ai souhaité qu’elle soit envoyée aux 4 500 salariés de Radio France, ce qui a permis de donner une grande visibilité aux critiques ou aux remarques qui nous sont adressées. Auparavant, les collaborateurs n’étaient pas informés des reproches que nous envoyaient les auditeurs alors que chacun d’entre nous travaille, directement ou indirectement, pour les antennes. Ce choix d’associer tous les collaborateurs a été apprécié d’emblée. Cela traduit une culture du partage et confirme l’importance de favoriser la transparence au sein d’une organisation afin de rendre très concrète la responsabilité collective de ce que l’on produit sur les antennes et ses effets sur nos publics.
Les auditeurs qui le souhaitent peuvent aussi s’abonner. Cette newsletter est désormais envoyée à 11 000 destinataires. Elle est largement plébiscitée, c’est ce qu’indique une enquête réalisée l’an dernier auprès des abonnés. Je cite volontiers le message que j’ai reçu d’un auditeur car il résume parfaitement son impact : « J’interprète cette lettre comme une preuve d’un lien vivant entre les équipes de Radio France et ses auditeurs« .
Il y a aussi le site de la médiatrice
Oui, le site de la médiatrice est un autre outil important. Nous y publions nos newsletters ainsi que des messages qui nous sont adressés quotidiennement. On y trouve également des vidéos réalisées en collaboration avec des journalistes et des producteurs de Radio France, offrant ainsi un autre moyen de communiquer avec nos auditeurs.
Nous produisons également des vidéos avec des linguistes et des historiens lorsque des questions sur l’usage d’un mot ou d’une notion historique se posent. On y découvre aussi les « Débats de l’actu » qui mobilisent nos auditeurs puisque beaucoup d’entre eux nous écrivent pour partager leur point de vue sur des faits d’actualité, indépendamment du traitement éditorial diffusé sur nos antennes. Ces témoignages sont souvent très intéressants et peuvent donner l’envie à des journalistes de rencontrer ces personnes pour des interviews ou des reportages. C’est pourquoi j’ai trouvé pertinent de ne pas être la seule destinataire de ces courriels, mais de les partager avec mes collègues et les collaborateurs de Radio France.
Par ailleurs, sur le site, nous avons mis en place un chatbot appelé Athena. Il s’agit d’un assistant conversationnel basé sur l’intelligence artificielle, conçu pour répondre aux questions techniques fréquemment posées par nos auditeurs, notamment sur l’écoute des podcasts. Les podcasts jouent un rôle de plus en plus important à Radio France, et il était crucial de pouvoir répondre aux interrogations du public à ce sujet. Ainsi, avec ce chatbot, nous abordons également la question des moyens mis en œuvre au service de la médiation. Je suis assistée par deux collaboratrices très investies. Le chatbot les décharge d’une partie des réponses à formuler, facilitant ainsi notre travail d’équipe.
Comment avez-vous intégré l’expression des auditeurs sur les réseaux sociaux ?
Pour ma part, je ne les traite pas. On surveille les réseaux sociaux, il y a une veille. Si un sujet monte, nous vérifions s’il génère également des messages spécifiques sur notre site via les courriels. Cependant, nous n’engageons pas directement des discussions sur les réseaux sociaux. Je pars du principe que si quelqu’un souhaite obtenir une réponse, il doit nous écrire par courriel. Toutes les saisines et les demandes doivent obligatoirement passer par le site de la médiatrice. Cette approche dissuade généralement les amateurs de polémique stérile, que l’on retrouve sur les réseaux sociaux, et favorise des interactions plus saines.
La médiatrice est-elle consultée pour l’évolution des programmes des antennes ?
Non, mais les courriers des auditeurs exercent parfois une influence sur les choix éditoriaux. Par exemple, lors de ma première année en tant que médiatrice, je recevais régulièrement des messages concernant France Inter. Les auditeurs exprimaient leur incompréhension quant à l’absence d’une émission quotidienne d’une heure consacrée aux questions environnementales. L’année suivante, cette émission a été mise en place et il est possible que les courriels des auditeurs ne soient pas complètement étrangers à ce choix.
Un autre exemple concerne l’émission « Les informés » sur France Info. Lors d’une soirée, Olivier de Lagarde, rédacteur en chef adjoint, avait invité les correspondants de la presse étrangère à partager leur perception de la campagne présidentielle française. Nous avons reçu un nombre important de messages positifs soulignant l’intérêt d’entendre ces correspondants étrangers apporter un regard différent sur notre pays, avec des sensibilités extérieures. Les auditeurs ont véritablement apprécié ce rendez-vous. Je l’ai immédiatement indiqué au directeur de France Info, et l’émission a été maintenue les semaines suivantes.
Chaque jour, chaque chaîne reçoit une synthèse des messages adressés par les auditeurs, et une fois par semaine, je participe à une réunion avec les directeurs de rédaction de toutes les chaînes. Cependant, je n’interviens en aucun cas dans le choix, la préparation et l’élaboration des programmes des chaînes. Mon rôle est d’écouter les préoccupations des auditeurs, de faire remonter leurs suggestions, leurs critiques et de veiller à ce que leurs voix soient prises en considération par les décideurs éditoriaux.
Vous sentez-vous indépendante dans l’exercice de votre fonction ?
Absolument. Je tiens à souligner que je ne reçois aucune directive de la part de quiconque, et je suis fermement attachée à ma liberté de ne pas me voir imposer une décision. Une fois par an, je présente un bilan de l’année, le baromètre des auditeurs en quelque sorte, devant le conseil d’administration. J’ai également un entretien annuel avec la présidente de Radio France. Il est important de souligner que je bénéficie d’une totale indépendance dans l’exercice de mes fonctions. Je n’ai jamais reçu la moindre consigne quant à mes actions et mes prises de décision.
La médiation à Radio France en chiffres :
– 144 000 courriels en 2022
– 11 000 abonnés, dont les 4 500 salariés du groupe Radio France
– 4 500 messages en moyenne chaque semaine
– 6% d’entre eux vous complimentent
– 75% d’entre eux concernent France Inter
– 42% concernent les programmes
– 39% l’actualité
– 10% les questions de langue française
– 5% la musique
– 4% la publicité sur les antennes
Ces chiffres sont stables d’une année à l’autre
©Hermès Médiation – centre de médiation – Poitiers
Vous aviez manqué l’interview de Jérôme Cathala, médiateur de France Télévisions ? Pour la relire, c’est ici : Jérôme Cathala, médiateur de France Télévisions
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