Je verrai toujours vos visages

« Tu ne comprends pas ce que cette personne a vécu ! Personne ne peut le comprendre. Tu peux tenter de l’imaginer. Soutiens-là en l’écoutant, c’est ce que tu peux faire de mieux. Tu lui as coupé la parole, les silences n’ont pas été respectés, trop de commentaires, beaucoup de questions fermées, trop de suggestions et trop de jugements. Tu dois sortir de ta posture habituelle. Tu dois être toi. Ce que tu proposes à ces gens, c’est l’inverse de ce que tout le monde leur a toujours proposé. On ne parle pas à leur place, on ne leur suggère rien. On n’essaie pas de les transformer. On écoute, on accueille inconditionnellement. Tu ne sais pas mieux qu’eux ni ce qu’ils sont, ni ce qu’ils devraient faire. Persuade-t’en, sinon va voir ailleurs. Si tu leur laisses un espace pour réfléchir, ils vont réfléchir. Sinon ils vont dire ce qu’ils ont toujours dit à tout le monde et vont taire ce qu’ils ont toujours tu. Tu prends trop de place, laisse-leur la place. Tu ne connais pas cette personne, laisse-là t’instruire. Suis-là sans jugement, sans diagnostic. La justice restaurative, c’est un sport de combat ». 

Tel est le discours du formateur qui vient de faire faire un jeu de rôle à des professionnels de la réinsertion de l’administration pénitentiaire qui, tous, deviendront de futurs médiateurs en herbe. 

Le film « Je verrai toujours vos visages », sorti en 2023 et réalisé par Jeanne Herry, plonge le spectateur, dès les premières minutes au cœur de la justice restaurative. Puis, nous suivons trois victimes qui ont accepté de rencontrer des auteurs qu’elles ne connaissent pas mais qui ont commis le même type d’infractions qu’elles ont subies. Le groupe s’engage à se voir une fois par semaine pendant cinq semaines. Nous cheminons avec le groupe au fil des rencontres. Les victimes, tout comme les auteurs, racontent leurs vécus et leurs ressentis. La tension est palpable, mais au fur et à mesure les postures évoluent, chacun se met dans la fenêtre de l’autre. Ils s’écoutent, ils commencent à se comprendre, des ponts d’altérité se créent et la réparation de chacun est en marche.

En parallèle de ce cercle de parole, nous suivons une jeune femme qui a été agressée sexuellement par son frère lorsqu’elle n’était encore qu’une enfant. Cette dernière souhaite le revoir dans un cadre sécurisé. Grâce à cette entrevue, elle obtient des réponses à ses questions et repart soulagée.

Nous vivons, avec ces victimes et ces auteurs, un cheminement de la souffrance vers une forme de libération et de résilience.

Ce film magnifique décrit parfaitement le processus de la justice restaurative. Il donne l’espérance d’une reconstruction possible pour chacun d’entre nous, quels que soient nos expériences et nos actes, tant que nous avons la volonté de nous inscrire dans une démarche positive tournée vers l’avenir et encadrée par des professionnels formés. 

©Hermès Médiation – centre de médiation – Poitiers

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