Dans ce dernier épisode, nous avions envie de vous parler des conflits au travail et en quoi la médiation est-elle un outil particulièrement adapté à cet univers.
Tout d’abord, l’entreprise est le terreau des conflits et parfois peut être source de souffrance.
De nouveaux termes sont apparus dans le monde du travail ces dernières années comme les risques psychosociaux, le burn out lorsque le salarié se sent victime de sollicitations excessives, le bore out qui est induit en cas de manque de travail, ou encore le brown out qui est bien connu des professionnels de la fonction publique hospitalière actuellement, et qui signifie que la personne ne trouve plus de sens à ce qu’elle fait.
Le chef d’entreprise est donc aujourd’hui sensibilisé et mobilisé autour de ces questions tout en ayant des contraintes fortes. Il doit donc composer autour de trois pôles traditionnels qui définissent l’entreprise à savoir la structure (son statut, ses règlements, son organisation), la production (ses services, ses produits) et le corps social (ses salariés, les prestataires, les clients et les fournisseurs).
Comme l’évoque Jean-Louis Lascoux dans son ouvrage « Pratique de la médiation professionnelle » (Ed. ESF – collection formation permanente, 2017) sur la médiation professionnelle, les conflits peuvent avoir pour causes des changements structurels de l’entreprise, liés à ce qui fait l’entreprise, des changements de choix de production, liés à ce que fait l’entreprise, ou des conflits relationnels ou des interactions, liés à ceux qui font l’entreprise.
Nous comprenons donc très facilement en quoi les tensions peuvent facilement se développer tant les contraintes et les besoins sont différents d’un acteur à l’autre. Le différend peut ainsi concerner tout aussi bien l’ambiance relationnelle que les relations contractuelles.
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La médiation arrive donc à point nommé. On peut même dire qu’elle est partout dès lors qu’il s’agit de management.
Mais alors, pourquoi la médiation serait-elle l’outil à privilégier ?
Dans la médiation, les personnes trouvent elles-mêmes les solutions à leurs difficultés. La médiation part du prérequis qu’on ne peut pas résoudre durablement les problèmes sans les intéressés ou imposer une solution qu’ils n’auraient pas imaginé, voire qu’ils vont subir.
Parfois, indique Jean-Louis Lascoux, « quand bien même la solution imposée serait la plus réaliste et finalement celle qui sera acceptée, un conflit ne peut être résolu en l’absence d’une partie, ou sans son agrément, parce qu’il comporte un aspect essentiel : l’élément humain. C’est-à-dire que la meilleure solution technique, si elle est imposée, n’est pas appréciée, parce que la manière est primordiale dans des relations humaines équitables ».
Reprenons une phrase du pape Jean-Paul II. Et oui, toutes les cultures et toutes les religions nous inspirent : « Une existence, qui a l’échelle humaine, pouvait être engagée dans une impasse est devenue un passage ».
La médiation permet de transformer le conflit en opportunité car il ouvre le champ des possibles dans la mesure où les solutions les plus créatives, les alternatives parfois improbables sont admises à partir du moment où elles sont exécutables.
Mais comment proposer la médiation comme alternative à toute poursuite dans une société où les hommes ont appris dès l’enfance que la faute avait des conséquences, que la faute était suivie d’une punition ?
C’est là toute la magie de la médiation : construire au lieu de punir.
Et c’est le dernier point que nous souhaiterions évoquer même si la question mériterait davantage de développement.
La médiation n’est pas un processus de traitement des conflits légers tandis que la justice serait présente pour régler les problèmes les plus sérieux de l’entreprise.
Prenons le cas du harcèlement moral. Bien que constitué en délit et relevant du juge pénal, les réponses judiciaires sont parfois insuffisantes pour réparer les troubles engendrés, faute de moyens suffisants de preuve. Dans de nombreux cas, après un classement sans suite ou un non-lieu, la personne s’estimant victime en ressort encore plus mal. La médiation qui n’aura pas la délicate mission de la justice de trouver si le harcèlement moral est effectivement constitué, se concentrera sur la communication et permettra un dialogue qui pourra constituer les prémisses d’une reconstruction d’un côté et d’une prise de conscience de l’autre.
Aussi, le législateur ne s’est-il pas trompé. En 2002, il a permis à l’entreprise d’organiser une médiation en cas de harcèlement moral. Il faut bien évidemment que l’un et l’autre des acteurs soient volontaires à ce processus.
Si la médiation fonctionne, les deux salariés pourront rester dans l’entreprise. Elle peut aussi faire la lumière sur un problème de communication ou d’incompréhension qui va au-delà des deux personnes concernées. La médiation fait lever les interprétations et permet à chacun de retrouver une forme de sérénité plutôt qu’un sentiment de vengeance qui engendrera dans bien des cas un mal-être de part et d’autre parfois, pendant des années.
Ce que dit le code du travail :
Article L1152-1
Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Article L1152-2
Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
Article L1152-6
Une procédure de médiation peut être mise en œuvre par toute personne de l’entreprise s’estimant victime de harcèlement moral ou par la personne mise en cause. Le choix du médiateur fait l’objet d’un accord des parties. La procédure de médiation proposée par le code du travail, s’organise en deux phases :
1. « Le médiateur s’informe de l’état de leurs relations, tente de les concilier et leur soumet des propositions qu’il consigne par écrit dans un procès-verbal en vue de mettre fin au harcèlement » ;
2. « En cas d’échec de la conciliation, il informe les parties des éventuelles sanctions encourues et des garanties procédurales prévues en faveur des victimes tant pénales que civiles ».
Ce texte est très déroutant, car on est assez loin de la démarche classique d’un médiateur mais il a le mérite d’exister.
©Hermès Médiation – centre de médiation – Poitiers
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