L’accord sur le désaccord est une étape importante de la médiation. Elle est déterminante dans la poursuite du processus, incontournable pour un rétablissement des liens de communication entre les parties, décisive dans le succès de la médiation et le chemin vers un accord. La démarche consiste à identifier la nature du litige ou les points de conflits, qui sont le plus souvent dissimulés derrière des événements particuliers, exacerbés par des rancœurs la plupart du temps, puis à mettre d’accord les protagonistes sur chacun de ces points. En effet, les personnes en présence ont généralement une vision différente de la situation qui les amène à la médiation. Elles n’attachent pas la même importance aux difficultés qu’elles ont traversées et elles n’ont pas été affectées de la même manière. D’ailleurs, derrière un événement dominant peuvent se cacher plusieurs sources de discorde qui, mal identifiées, pourraient amener les parties à imaginer des solutions en décalage avec les points à l’origine de leur conflit.
Nous l’avons vu récemment dans une médiation organisationnelle. Une membre d’une équipe reprochait à son supérieur hiérarchique sa rigidité ayant entraîné, selon elle, de la défiance au fil du temps. Les échanges se sont éternisés sur la manifestation de cette rigidité et sur la façon dont elle aurait pu être contournée, exemples à l’appui. Au bout d’un moment, le chef d’équipe a fini par lâcher qu’il n’en pouvait plus de voir sa collaboratrice « arriver à pas d’heure », voire d’être absente plusieurs heures dans la journée sans motif et sans information préalable, mettant ainsi le reste de l’équipe en difficulté. La rigidité du cadre était un problème pour l’une, le respect des horaires était un problème pour l’autre. L’enjeu ne fut pas de déterminer qui, de poule ou de l’œuf, arriva le premier mais de faire reconnaître par chacun le point soulevé par l’autre.
Outre les points à traiter, l’enjeu lors d’une médiation est aussi de faire reconnaitre par chacune des parties les sentiments et les émotions par les uns et par les autres. C’est bien d’ailleurs ce qui peut aider à faire reconnaître les points de litige évoqués par chacun. Quand le cadre exprime sa colère pour être sans cesse défié par le comportement de sa collaboratrice, cette dernière lui rétorque en avoir assez d’être infantilisée par un supérieur qui ne lui fait pas confiance, d’où son laxisme et sa désinvolture. Le premier reconnaît ses excès de rigueur, la seconde ses fautes. Le premier reconnaît les qualités professionnelles de sa contemporaine, la seconde avoue son attachement à son travail. La médiation peut avancer.
Mais que fait-on en cas de blocage ? C’est là que peut intervenir la créativité du médiateur.
Pour en savoir plus, lire aussi notre article : La créativité, une clé de réussite en médiation
A défaut d’imagination sur le moment, le médiateur peut déployer les outils à sa disposition. Et des outils, il y en a ! Récemment, nous avons suivi une formation sur l’utilisation des cartes de La Stratégie du dédale®, avec son inventeur en personne, Jean-Edouard Robiou du Pont, avocat et médiateur.
Que l’intéressé se rassure, nous n’allons pas, là, dévoiler l’essence-même de la formation qu’il propose sur l’utilisation de ses cartes. Il nous semblait toutefois pertinent d’attirer votre attention sur cet outil qui peut s’avérer particulièrement utile pour un médiateur à sec et pour des parties enfermées dans leur schéma de pensée.
L’auteur le dit : « L’objectif pour le médiateur est de faire travailler les médiés sur leur relation. Le but est de faire passer les médiés d’une relation de compétition à une relation de coopération ». Ces cartes sont un outil métaphorique. Elles permettent un travail « sur la relation et non sur l’objet du litige ». Dans une situation de blocage, le médiateur présente neuf cartes aux parties en présence. On ne va pas toutes vous les dévoiler, on va seulement en évoquer deux.
La carte ne se prend pas au hasard. Vous prenez le temps de la choisir et vous la choisissez parce qu’elle vous parle. Un exemple : le labyrinthe ! Cette carte peut retenir l’attention d’un médié pour exprimer le fait qu’il se sent enfermé dans son conflit et qu’il n’y voit aucune issue. Au dos, une phrase l’invite à la réflexion : « On s’y perd et on dépense son énergie à tourner en rond. On pourrait en avoir conçu les plans. Trouver l’issue impose de tester, de faire des choix et de savoir apprendre de ses échecs ».
L’autre partie choisira peut-être la carte illustrant une passerelle reliant une rive à l’autre au-dessus d’une gorge aux parois abruptes. Au dos de la carte, cette phrase : « Avant de s’y engager, il faut parfois laisser ce qui est inutile sur la rive que l’on quitte. Souvent soumis à péage, il permet de franchir un ravin, de passer à autre chose ou d’aller d’une rive à l’autre ». Tout est dit. « passer à autre chose », c’est exprimer le souhait de sortir de son conflit, de tourner la page et de penser qu’une solution est possible pour y parvenir.
Les autres cartes sont construites dans le même esprit. Les neuf cartes couvrent un champ très large qui permet à chaque partie de se retrouver dans l’une des métaphores proposées. Le médiateur dispose, là, d’un bel outil pour lever un blocage qui surviendrait lors d’une séance de médiation. Tout manager pourrait aussi y avoir recours dans l’animation de son équipe ou dans la conduite de projet.
Pour en savoir plus, lire aussi notre article : Médiation et entreprise – Acte 3 : la médiation, un outil de règlement des litiges particulièrement adapté à l’entreprise
La présentation faite ici de ces cartes métaphoriques apparaîtra certainement réductrice aux yeux de son créateur. En effet, La Stratégie du dédale® s’accompagne d’un mode opératoire particulièrement poussé, voire complexe, si l’on veut strictement appliquer la règle que l’auteur à imaginer pour son jeu de carte. C’est toute la magie de la médiation que de laisser le médiateur et les parties imaginer elles-mêmes des règles différentes si elles les estiment plus appropriées aux avancées de leur processus de médiation.
Mais, on y pense là, il reste une carte dont on n’a pas parlé en plus des neuf que nous avons déjà évoquées. C’est « la carte blanche » ! Ce serait trop en dire que de lever le suspens et de dévoiler toute la puissance de cet outil.
Ce que nous aurons retenu aussi de cette journée de formation avec Jean-Edouard Robiou du Pont, c’est la bibliographie particulièrement fournie qu’il nous a remise. On salue l’intéressé. Il n’est pas qu’un médiateur, il est aussi un médiateur chercheur. Bien des universitaires pourraient en prendre de la graine. Mais, là, nous dérapons totalement. Bon, revenons à notre bibliographie. On attaque avec « Chevaucher son tigre » de Giorgo Nardone.
©Hermès Médiation – centre de médiation – Poitiers
En attendant, vous pouvez approfondir vos connaissances avec cet article : L’incommunication : pour comprendre l’intérêt de la médiation
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