Les soins palliatifs font peur. Souvent, ils s’associent dans l’esprit de beaucoup de nos contemporains à la souffrance, au deuil, à la mort, à la fin en oubliant qu’ils parlent aussi de vie. Une vie blessée et blessante, fragilisée, inquiétante et déroutante. Les rôles sociaux, les obligations que chacun de nous présentent quand tout va bien, s’effacent pour bien souvent aller à l’essentiel : la présence des uns et des autres, les amitiés solides, la richesse non pas trébuchante mais celle de l’amour, mais aussi les réparations, les pardons si difficiles à partager « avant ». Un sourire, un regard de considération peuvent reprendre une place importante dans le quotidien alors qu’ils ont été considérés comme insignifiants ou quantité négligeable dans l’intensité et « l’importance » de nos jours passés.
Oui, les soins palliatifs se mettent en face de la douleur et plus généralement de la souffrance. Souffrance physique, morale, sociale, familiale ou spirituelle. Douleur du patient dans son corps, souffrance de ne plus se reconnaître : « je ne peux même plus lire, ni aller au fauteuil seul, moi qui courais tant et qui étais passionné de littérature médiévale ». Souffrance sociale : « comment vais-je payer mes charges, les cours particuliers de mes enfants puisque que mes revenus ont baissé ? ». Que dire de cette peine à s’imaginer éloigné des proches, de ne plus les voir ? « Désespéré moi-même par moi-même, comment soutenir mes enfants que je vois si tristes ? Et pourquoi moi ? Pourquoi Dieu m’inflige-t-il cette épreuve supplémentaire ? Je voudrais que cela se termine ! ».
Se reflète bien souvent la souffrance des proches. « Je l’aime tellement, comment vais-je vivre sans elle ». « Pourquoi mon enfant ? ». « Et en plus son mari vient de la quitter pour une autre, nous sommes désespérés de voir notre fille dans l’état ou elle est et de savoir le reste ». « Pourquoi le maintenir en vie, quand je le vois c’est affreux, je ne le reconnais plus ».
Et puis il y a la souffrance des soignants, plus insidieuse.
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Dans le temps, elle s’est faite discrète après un temps parfois de sidération devant celle de l’autre, des autres. Cumulée dans le quotidien de nos professions, bousculée et attisée par nos propres vies, elle peut exploser. « Je n’en peux plus de ces patients, il me faut changer de métier et surtout de service ». « Je ne suis pas d’accord, c’est n’importe quoi cette prise en charge, ils se foutent de leur boulot, tous des… »
Souvent ces paroles s’entrecroisent. Ces souffrances se percutent et conduisent à la violence, non pas tant physique mais psychique et font conflits. Parfois du sujet avec lui-même en se débattant entre désir et réalité. Parfois entre patients et proches qui analysent, ressentent, vivent les situations bien différemment de leur proche malade. Ils en viennent à l’incompréhension mutuelle tentant parfois de se convaincre avec dureté de leur vérité sur l’évaluation de la situation. Conflits entre professionnels sur un désaccord qui ne donne pas lieu au partage mais à la rigidité de positionnement non explicité, s’arrêtant aux faits et non aux ressentis.
Le médecin de soins palliatifs utilise tous les outils de la médiation souvent inconsciemment.
Je vais vous montrer comment sont utilisés les principes, les règles et l’éthique de la médiation à travers ma rencontre avec ces patients qui m’ont tous marqué par leur histoire de vie unique, par leur authenticité, et parce qu’ils m’ont permis de cheminer à leur côté.
©Hermès Médiation – centre de médiation – Poitiers
La suite est à lire ici : Médiation : chronique d’un médecin – Acte 3/8 : la ravissante ou l’écoute active
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