Journaliste, Jérôme Cathala a été nommé médiateur de France Télévisions en janvier 2020. Auparavant et durant plus de trois ans, il a été en charge des relations internationales du groupe public au sein duquel il a occupé diverses fonctions et responsabilités : reporter, responsable de rédaction, rédacteur en chef, directeur régionale. Au titre de sa fonction de médiateur, il présente l’émission « Votre télé et vous » sur France 3.
Jérôme Cathala, qu’est-ce qui vous a amené à cette fonction de médiateur de France Télévisions ?
Il y avait un côté logique et cohérent après les différents postes que j’ai occupés. J’avais une vue assez large sur France Télévisions, son offre de contenus, que ce soit en matière d’information ou de programmes, la façon dont ça fonctionne. Ca m’intéressait d’une certaine façon, à ma modeste place, de participer à améliorer les rapports entre le public et France Télévisions, parce que je pense que s’il y a un enjeu majeur, ça c’est le deuxième point, c’est bien sur une meilleure compréhension les uns des autres, c’est-à-dire la façon dont la télévision fonctionne et ce que reçoivent, comprennent les téléspectateurs.
Qu’est-ce qui a changé entre « L’hebdo du médiateur » en 1998 et « Votre télé et vous » aujourd’hui ?
Ce qui a changé, à part le générique, je ne sais pas, parce qu’au fond l’objectif est toujours de répondre aux questions des téléspectateurs. Je crois qu’on essaie d’adopter non seulement un ton mais aussi une façon de faire qui est moins crispée. Parfois, certains médiateurs ont pu apparaître un peu tendu, ou pouvaient surestimer leur rôle, se placer un peu en « procureur » du travail des équipes de France télévisions. Nous pensons, je parle de l’équipe de médiation, que l’objectif est de répondre aux téléspectateurs et, éventuellement, de faire modifier les choses s’ils ont raison. Mais cela ne se fera que par une meilleure connaissance des sujets des uns, des autres. Il y aura une meilleure compréhension par une meilleure transparence.
Nous essayons d’être plus transparents, et c’est sans doute ce point-là qui a changé depuis 1998. On est beaucoup plus dans la co-construction avec le public. Cette entreprise, je le dis et ce n’est pas un effet de manche, cette entreprise est celle des téléspectateurs. Ainsi, ce qui a aussi changé, et ce n’est pas que symbolique, c’est la participation de deux téléspectateurs à chaque émission de « Votre Télé et vous », ce qui n’était pas le cas auparavant. Il faut qu’ils puissent m’interrompre, interrompre les gens et poser des questions s’ils le souhaitent. Quand je construis l’émission, je construis l’émission avec eux. Je leur dis : voilà les thèmes que l’on va traiter parce que c’est ce qui a été le plus souvent mis en avant par le téléspectateur, est-ce que ça vous convient ? Est-ce que vous avez des choses à dire là-dessus ? Je leur envoie avant mon texte et le déroulé de l’émission. Je veux que cette émission soit presque co-présentée par eux. Ils savent qui vient. On est dans une transparence totale avec eux.
Ca, c’est le point qui a changé parce que je veux que la transparence soit la plus importante possible, la plus vraie possible. Elle a toujours une limite la transparence, c’est évident, mais il faut qu’elle soit la plus vraie possible pour que les gens s’approprient cette entreprise et les contenus qui sont proposés.
Comment passe-t-on du statut de journaliste à celui de médiateur ?
Ce n’est pas si éloigné que ça pour moi. Quand on travaille dans un média, il y a déjà une partie du terme qui est la même. C’est une petite pirouette mais pas que. Il y a vraiment un souci dans les deux cas de relation avec un public. Le journaliste essaie de sélectionner l’information, de la rendre compréhensible, de la vérifier et de la partager avec, en l’occurrence pour moi, un téléspectateur qui fait ce qu’il en veut, qui la reçoit comme il le peut et s’en fait une opinion. Là, en revanche, j’ai deux publics : le public des téléspectateurs et le public de l’intérieur de la télévision qui doit, à mon sens, mieux comprendre ce que demandent et ressentent les téléspectateurs. Là, je vais dans les deux sens, je fais comprendre aux uns et aux autres quels sont les besoins, pourquoi les uns disent ça et les autres répondent ci. On est vraiment dans la compréhension des uns des autres.
Le petit point supplémentaire, en tant que médiateur, c’est que je peux faire évoluer les choses, à la marge mais tout de même. Si effectivement une erreur a été commise côté France Télévisions, du côté par exemple de la rédaction, je vais demander à la rédaction de modifier, éventuellement de s’en excuser et, en tous les cas, de tenir compte de ce que le téléspectateur aura dit. Ca, c’est le changement que je trouve intéressant. Cela permet aussi de faire évoluer non seulement les façons de travailler des journalistes et de France Télévisions, mais aussi de faire évoluer l’ensemble en fonction de ce que les téléspectateurs expriment, non pas parce qu’ils ont toujours raison mais parce qu’ils ont parfois raison bien évidemment.
Etes-vous impartial et indépendant comme l’impose la posture du médiateur ?
D’un point de vue fonctionnel, mon poste est effectivement indépendant. Nommé pour un mandat de trois ans renouvelable, je suis le seul salarié indépendant de France Télévisions. Je suis à la fois salarié et à la fois indépendant, c’est-à-dire que personne ne me dit ce que je dois répondre et ce que je dois faire dans le cadre de mes émissions par exemple. Et quand je demande des éléments à des journalistes ou à des responsables de programme, ils me les donnent. S’ils ne me les donnent pas, je les réclame une deuxième fois et ils me les donnent in fine. Si je souhaite absolument qu’il y a ait tel journaliste, tel responsable de rédaction, tel responsable d’unité de programme qui vienne s’expliquer devant les téléspectateurs, ils viennent. Non pas que je sois particulièrement désagréable et que je vais les enchaîner pour les faire venir, mais parce que je suis indépendant et qu’ils respectent cette impartialité, cette indépendance.
Je fais aussi attention à ne pas heurter. Quand on est producteur de contenus, on peut avoir l’impression que celui qui a ma position, la position facile, celle d’être à côté en disant « mais les gars, ce n’est pas bien ce que vous avez fait, donc pourquoi telle erreur », peut être énervant. Quand on est dans la rédaction, que l’on travaille pour un journal télévisé, il faut sans arrêt produire ; l’information est un rouleau compresseur qui peut éventuellement vous faire oublier qu’il faut aussi parfois réfléchir. Donc ce n’est pas facile pour eux quand je vais les voir en disant « pourquoi avez-vous dit ça, est-ce qu’il n’y aurait pas une erreur, il faudrait par exemple que vous vous en excusiez mais à l’antenne, dans les mêmes conditions, etc. »
Avec ma position d’indépendance et d’impartialité, et en faisant preuve de professionnalisme, in fine j’arrive à faire en sorte que les gens viennent s’expliquer, soit en me fournissant des éléments qui permettent de répondre aux gens par écrit, soit en venant avec moi sur la chronique hebdomadaire que je présente sur France Info (télévision), ou dans l’émission mensuelle que je présente sur France 3 et sur France 2. L’indépendance, elle est démontrée par ce que je fais. Même si le sujet ne plait pas toujours à nos amis de la rédaction ou des programmes, ils vont venir s’expliquer, expliquer pourquoi ils ont pris telle décision, expliquer parfois aussi qu’effectivement il y a une erreur et qu’elle a été faite à cause de telle condition.
Cette indépendance, elle n’est pas si difficile à assurer, non seulement pour des raisons fonctionnelles encore une fois, mais aussi parce que les gens, en interne à France Télévisions, ont compris, ce qui n’était peut-être pas le cas il y a 20 ans, qu’un rapport clair, le plus transparent possible avec le public, est une condition : 1 – pour que les productions soient reçues et écoutées ; 2 – pour la survie d’une entreprise de service public.
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Lorsque vous avez pris vos fonctions de médiateur, avez-vous demandé à suivre une formation ou vous l’a-t-on proposé ?
C’est une très bonne question. Je suis obligé de répondre négativement aux deux. On ne me l’a pas proposé et je ne l’ai pas demandé. Mais j’ai échangé avez le précédent médiateur de l’information. J’ai la chance d’avoir une toute petite équipe, on est quatre ou cinq. Dans ces gens-là, une partie est très fidèle à cette mission de médiation. Ils sont là depuis des années et ils ont une petite idée de ce qu’est la médiation et de ce qu’on peut y faire. Donc, il y a l’expérience du médiateur précédent et il y a l’expérience de l’équipe actuelle. Il y a aussi le fait que nous avons des relations avec un certain nombre d’associations et de clubs différents de médiateurs. Je suis par exemple dans une association qui s’appelle « Les médias francophones publics » et qui compte nos amis canadiens, suisses, belges, TV5, France Médias Monde, etc. Nous échangeons entre médiateurs sur les différentes questions qui sont posées et comment nous réagissons. L’expérience est partagée entre nous. Elle est aussi partagée au sein d’autres associations comme « les médiateurs des services publics », mais là nous ne sommes plus du tout dans le monde des médias. Quand on parle des médiateurs des services publics, on parle du médiateur de Bercy, le médiateur de l’énergie, le médiateur de la SNCF, etc. Mais je n’ai pas eu de formation particulière à la médiation. Peut-être parce que la médiation dans le cadre de France télévisions, d’un média, est spécifique par rapport à un médiateur plus classique.
En pratique, quel est le quotidien du médiateur de France Télévisions et de son équipe ?
Quand j’ai été nommé, il y a eu un changement d’organisation. Précédemment, il y avait d’un côté un médiateur des programmes, de l’autre côté un médiateur de l’information. Aujourd’hui, il m’a été confié le poste de « médiateur de France Télévisions », à qui sont rattachés la partie médiation de l’information et la partie médiation des programmes. Je m’occupe plus directement de la médiation de l’information et Gérald Prufer s’occupe, lui, de la médiation des programmes. Gérald Prufer a une personne qui travaille avec lui. De mon côté, j’ai deux personnes. Donc nous sommes trois côté information, deux côté programmes, avec une organisation très souple qui nous permet d’échanger de façon très régulière, par le biais de réunions de service ou d’autres : quels sont les sujets en matière d’information ou de programme ? Qu’est-ce qui est vraiment le plus mis en avant par les téléspectateurs, etc. Pour ma part, j’ai une vue sur tout, ce qui est bien.
Alors qu’est-ce qu’on fait globalement dans la journée ou dans la semaine ? D’abord, nous traitons ce qui a été la base pendant longtemps c’est-à-dire les courriers. Il n’y en a plus beaucoup, car maintenant ce sont plutôt des courriels qui sont envoyés par les téléspectateurs et les téléspectatrices. Il y a des boîtes mails spécifiques pour l’info ou pour les programmes. Les téléspectateurs nous écrivent soit directement sur ces adresses de courriels pour la médiation, soit en passant le service des relations avec les téléspectateurs qui fait suivre les courriels. Tous les jours, nous tentons d’y répondre. Si on n’y répond pas le jour même, on y répond dans les jours qui viennent quand il s’agit d’obtenir des renseignements un peu plus compliqués, pour avoir une vraie réponse et pour avoir une réponse qui n’est jamais automatique. Quelquefois, nous avons des courriels d’injures et d’impolitesses graves. Dans ces cas-là, je ne réponds pas.
Par ailleurs, on sait que les téléspectateurs plus classiques ne sont pas les mêmes que les téléspectateurs plus jeunes. Ceux-là nous regardent de façon nettement moins linéaire et ils sont plus numériques. Ils ne nous écrivent pas des courriels. Il nous fallait avoir aussi leur avis, leur commentaire, leur question, et pouvoir y répondre. Pour l’instant, nous nous sommes concentrés sur deux réseaux sociaux, Facebook et Twitter, qui n’ont pas exactement le même type de public et ça nous permet d’avoir des gens sans doute un peu différents. Tous les jours, on va voir sur les boîtes s’il y a des questions. Sur Twitter, il n’y en a pas tous les jours ; sur Facebook, il y a souvent des gens qui font des remarques et des critiques, et ce ne sont pas du tout les mêmes que par courriel. Par courriel, ce sont souvent des téléspectateurs qui réagissent, qui posent des questions, qui commentent, qui critiquent. Sur les réseaux sociaux, il y a ça, mais il y a souvent des effets de communauté. Par exemple, s’il y a eu un reportage qui a déplu à certains enseignants, et bien on a la communauté enseignante, ou des adhérents de tel syndicat d’enseignants, qui nous envoient des dizaines ou des centaines de messages. Je prends cet exemple car c’est du vécu ! Ces messages sont globalement à peu près les mêmes. C’est parfois tout simplement recopié. Il y a donc un effet réseau social qui est connu partout.
Deuxième activité, toujours par rapport au public, nous préparons une rubrique hebdomadaire sur France Info Télévisions, qui est en direct le vendredi après-midi. Dès le lundi, il faut voir les sujets qui ont montés dans le week-end s’il y en a eu et, le mercredi, il faut arrêter un sujet pour que je puisse trouver l’interlocuteur au sein de France Télévisions qui va répondre. L’objectif est de traiter une question posée, soit parce que celle-ci a une valeur exemplaire et importante, soit parce qu’elle a été posée par plusieurs téléspectateurs. La personne qui va répondre peut être le journaliste mis en cause pour son reportage, si des téléspectateurs pensent qu’il y a eu des choses incorrectes, ou le rédacteur en chef, un directeur de rédaction, mais aussi des experts extérieurs, en matière de langue française par exemple. Il y a beaucoup de questions sur la langue française que nous sommes souvent accusés de mal utiliser. Là, je fais appel à des linguistes. Je fais appel aussi à notre médecin maison, Damien Mascret, qui est aussi journaliste à France Télévisions et qui va nous expliquer par exemple l’ARN. Au début, l’ARN ce n’était clair pour personne. On a refait un peu de pédagogie autour de l’ARN parce que je voyais bien, dans les courriels, que les gens se posaient des questions. Il s’agit d’une rubrique de 7 minutes, tous les vendredis. Ce n’est pas grand chose mais il faut quand même le produire.
J’ai un rendez-vous mensuel, une émission plus longue, de 45 minutes. Là, c’est une émission que l’on produit avec ma petite équipe. On en fait la rédaction en chef et je la présente. C’est une émission qui, de la même façon, a pour déclic des sujets, des thèmes et des questions mis en avant par les téléspectateurs. Je traite un ou deux thèmes, ça dépend. Je le traite avec plusieurs invités, internes ou externes à France Télévisions. Si je prends l’émission que j’ai enregistrée samedi dernier par exemple, l’émission de juin, j’avais à la fois le directeur de la rédaction des sports de France Télévisions et le président du comité olympique français, Denis Masseglia, pour évoquer l’été du sport, ce qu’il y allait vraiment avoir à la télévision, car les gens posaient des questions sur ce qu’ils allaient voir, si les JO allaient être maintenus, etc. J’avais également un responsable des antennes de France Télévisions et le comédien Jacques Weber, en direct de Nice, pour évoquer le maintien de France 4 et la diffusion sur cette chaîne des programmes culturels de Culturebox. Il y avait une demande extrêmement forte du public sur le maintien de Culturebox. Il fallait leur dire d’une part que ce programme était maintenu, d’autre part inviter Jacques Weber à préciser ce qu’il avait déjà produit sur Culturebox et quels étaient les projets. Ca, c’est une émission qui est un plus lourd à monter que la chronique hebdomadaire.
Ce que je fais dans l’autre sens et qui fait aussi partie de notre quotidien, c’est de renvoyer au sein de France Télévisions une idée de ce que les téléspectateurs commentent ou critiquent des contenus produits par France Télévisions. En moyenne toutes les deux semaines, je diffuse « la lettre du médiateur » à tous les journalistes de France Télévisions, à toutes les unités de programmes de France Télévisions, à la présidente de France Télévisions, etc. Je mets des extraits de courriels pour qu’ils comprennent bien, qu’ils voient le ton utilisé aussi sur tel ou tel sujet, que ce soit en matière d’information ou de programme. Je pense que c’est une partie importante de mon travail que de faire de la médiation dans l’autre sens. Dès que j’en publie une – la lettre du médiateur -, j’ai d’ailleurs beaucoup de retours, par mail ou par téléphone de personnes de FTV.
J’ai aussi un certain nombre de réunions avec la rédaction ou avec les programmes. Ils nous demandent un avis : est-ce que vous avez eu des réactions là-dessus ? Qu’est-ce que tu en penses ? J’ai un petit effet « vieux sage » qui est tout à fait amusant. Quelquefois, ils me demandent de participer à des réflexions. Par exemple, la direction de l’information de France Télévisions a un projet d’évolution de l’information qu’ils ont appelé « démocratie ». Le projet « démocratie » entend faire évoluer l’information pour être plus au service des téléspectateurs et de nos publics. Ils m’ont demandé de participer à un groupe de travail et à Gérald Prufer de participer à un autre groupe de travail pour avoir notre avis, à la fois en tant que vieux journalistes de France Télévisions mais aussi et surtout en tant que médiateurs. Moi, je suis dans un groupe de travail pour évoquer la manière dont on pourrait mettre plus de transparence dans le travail des journalistes et l’exprimer tous les jours auprès du public. C’était un point extrêmement important et ils ont voulu s’appuyer en partie sur notre travail de médiation pour enrichir le projet « démocratie ».
Un dernier point : je participe aussi, toujours côté information, à une commission de déontologie qui réunit, tous les trois mois, tous les responsables de l’information et les organisations syndicales, pour évoquer des sujets de déontologie qui ont pu se poser. J’y participe comme observateur et je suis régulièrement questionné.
La lettre du médiateur en interne est adressée à combien de personnes ?
Entre les journalistes et le personnel autour, il y a à peu près 1 000 personnes. Je l’adresse à tous les responsables des rédactions régionales, il y en a 22 ; je l’adresse à tous les responsables de programmes, soit une vingtaine de personnes ; je l’adresse à la présidente et à toutes les membres du comex. Nous devons en être à 1 500 personnes environ. C’est quelque chose que les gens apprécient vraiment en interne, même s’ils ne sont pas toujours contents de ce que je leur envoie. Ils apprécient d’avoir eux-mêmes ce retour dans ce sens-là et d’être mis au courant de ce que pensent les gens sur tel ou tel sujet. Franchement, je suis très content de cet aspect des choses.
Combien recevez-vous de courriels ou de demandes par mois ?
C’est une question que l’on me pose toujours. On doit faire des statistiques et on ne les a pas faites. Je vais vous donner un ordre d’idée. Ce ne sera pas du tout précis, je vous prie déjà de m’en excuser. On a, tous les jours en matière d’information, une cinquantaine de messages, entre France 2, France 3 et le reste. Là, je vous parle des courriels parce que c’est ce qu’il y a de plus nombreux. On a bien des courriers écrits, mais nous n’en avons que quelques-uns par semaine, et on voit à l’écriture que ce sont des personnes plutôt âgées. En matière de réseaux sociaux, il y a sans doute une dizaine de personnes sur Facebook tous les jours. En revanche, sur Twitter, ce n’est pas tous les jours et quelquefois c’est juste une citation. Les gens ont bien vu maintenant qu’il y avait l’institution « médiateur France Télévisions ». Ils nous associent souvent à des questions qu’ils posent à France 2, à l’info. Il n’y en a pas tous les jours. En revanche quand il y en a, ils sont nombreux tout d’un coup parce qu’une question a alerté, comme je vous le disais, un ensemble de personnes qui ont un intérêt commun, soit parce que ce sont des militants politiques, des militants syndicaux, des professionnels du même secteur d’activité. Je vous donne un exemple. Une fois, Jean-Paul Chapel, qui intervient parfois dans le « 20h » avec des chiffres, avait évoqué le salaire moyen des personnels soignants au moment du Grenelle de la santé. Il n’avait pas été très clair sur le fait qu’il pouvait s’agir d’une infirmière spécialisée ou pas. On a eu, à ce moment-là, énormément de courriels et de messages sur Twitter et Facebook d’infirmières furieuses. On les comprenait. A la fois, Jean-Paul Chapelle n’avait pas eu complètement tort en parlant de cette moyenne mais en même temps ça ne correspondait absolument pas à la réalité de chacune d’entre elle.
Un autre exemple : à l’issue des deux mois du premier confinement un reportage a été diffusé dans le « 20h », avec le titre un peu amusant : « les profs décrocheurs ». « Les profs décrocheurs » étaient des profs dont l’Education nationale n’avait plus de nouvelles depuis le début du confinement. On disait qu’il y avait « des élèves décrocheurs », mais il y avait aussi « des profs décrocheurs ». Le ministère l’avait objectivement estimé à 5% du personnel enseignant. Ces profs ne donnaient plus signe de vie pour différentes raisons qui étaient parfois tout à fait correctes : des problèmes techniques, un début de dépression… Et là, nous avons eu une avalanche de tweets, pas seulement durant une journée, mais pendant des jours, des semaines et des mois. Souvent, c’était exactement les mêmes messages parce qu’un de leurs syndicats avait rédigé un texte et ils nous l’envoyaient tous. On en a eu des milliers.
La régulation sur les réseaux sociaux est-elle une déclinaison de votre travail de médiation ?
Nous avons à France Télévisions des personnes dont c’est le métier d’aider les uns et les autres à être actifs, de façon correcte et professionnelle, sur les réseaux sociaux. Quand faut-il répondre et réagir, quand ne faut-il pas ? Pour le coup, nous avons suivi des formations pour ça. Il m’est arrivé une ou deux fois de réagir de façon trop vive, trop rapide, et je me suis fait « taper » par des internautes et des tweets. J’ai trouvé qu’ils avaient raison, qu’un médiateur ne devait pas réagir comme ça et sur ce ton. Je fais en sorte, première leçon, de ne pas réagir tout de suite dès qu’il y a un tweet, un message, une question ou une critique. Quand on répond, on y répond de deux façons. D’abord, en allant chercher les informations et en répondant avec des messages courts. Quelquefois ce sont les journalistes qui répondent parce que je les ai alertés. Ensuite, on y répond d’une autre façon, soit par le biais de la chronique sur France Info, soit dans l’émission de France 3 et de France 2. On publie sur les réseaux sociaux des extrait sous-titrés, chaque semaine, en réponse à une question posée par des gens.
Vous pouvez être saisi aussi directement par la présidente de France Télévisions ou par les directeurs de chaîne et de rédaction. Est-ce courant et, lorsque cela arrive, sur quels sujets êtes-vous sollicité ?
Pour l’instant, ce n’est pas arrivé de la part de la présidente. En revanche, c’est arrivé par exemple sur un programme FranceTV Slash, un programme uniquement numérique qui s’adresse à des jeunes. Une fois, il y avait eu une discussion sur une personne qui avait fait un message en étant voilée, et cela avait créé une certaine incompréhension ; une autre fois, il s’agissait d’un sujet vieux de plusieurs années réalisés par un humoriste sur un sujet très sérieux concernant le climat, et nombre de twittos avaient protesté en expliquant que les propos tenus étaient inexacts… A chaque fois, j’essaye de proposer des éléments pour réagir.
L’interaction avec les gens de l’info est quasi quotidienne. Il peut y avoir des saisies informelles : un coup de fil, ou on vient me voir à mon bureau, ou je passe dans le couloir et on m’arrête, c’est aussi simple que cela. Un exemple issu de discussions avec le directeur de l’information : la direction de l’information a mis au point un dispositif qui s’appelle « nosSources » et qui existe depuis fin mai. Dans chaque journal d’information de France Télévisions, il y a un reportage qui est choisi et pour lequel on précise : si vous voulez en savoir plus sur la façon dont le sujet a été fait, pourquoi on a fait appel à telle ou telle personne, allez sur « nosSources » que l’on trouve sur Franceinfo.fr ; vous avez la liste des personnes qui ont été contactées pour mettre au point le reportage, la qualité des personnes qui sont intervenues dans le sujet, etc. C’est une façon d’améliorer la transparence sur la manière dont les journalistes travaillent.
Il y a aussi des saisies plus formelles. Il y a un comité d’éthique qui a été créé par la loi dans toutes les entreprises de presse, un comité d’éthique indépendant, composé de personnalités, qui peut être saisi par toute personne, pour toute question éthique sur tel ou tel contenu. A France Télévisions, ce comité est présidé par l’ancienne ministre de la culture, Christine Albanel. Il peut me saisir et demander mon avis sur un point. Mais ma première saisie, c’est celle des téléspectateurs évidemment.
Est-ce dans vos attributions d’intervenir, en votre qualité de médiateur, sur des situations précontentieuses, relatives par exemple à des accusations de diffamation ou d’atteinte à l’image consécutivement à la diffusion d’un reportage ou d’un programme, et dont les victimes menaceraient France Télévisions d’un recours judiciaire ?
Ce n’est pas dans mes attributions. Les messages que nous recevons sur ce point sont traités par la direction juridique qui est en rapport quotidiennement avec nous.
Y’a-t-il un médiateur au sein de France Télévisions qui intervient sur les questions salariales ?
Non. Il y a des interlocuteurs RH. Il y a une personne qui s’occupe de l’éthique. On a mis au point une plateforme d’alerte et si quelqu’un s’estime maltraité pour une raison ou pour une autre, il peut le signaler ou on peut le signaler pour lui. Mais il n’y a pas de médiateur d’entreprise au sens strict du terme.
Vous vous intéressez aux médiateurs de presse apparemment ! Alors jetez un oeil aussi sur l’interview de Chantal Pétillat, rédactrice en chef de La Nouvelle République du Centre Ouest / Centre Presse.
©Hermès Médiation – centre de médiation – Poitiers
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