La médiation familiale est souvent une alternative recommandée par le milieu judiciaire dans le cadre d’une séparation de couple afin d’apaiser les tensions, trouver des points d’accord sur la garde des enfants ou encore le partage des biens. Le recours à la médiation familiale évite parfois une procédure longue, couteuse et désastreuse pour la famille.
La question que nous nous posons aujourd’hui est la suivante : dans un contexte de violence conjugale, la médiation est-elle l’outil à privilégier ?
Commençons par rappeler ce que sont les violences conjugales. La violence conjugale inclut les agressions physiques, verbales, psychologiques et sexuelles, ainsi que la domination sur le plan économique dans la vie du couple.
Toutes ces violences peuvent s’exercer dans différents contextes : le terrorisme intime, la violence situationnelle ou encore la violence post-séparation. Nous ne l’avons pas inventé. C’est le fruit de nos recherches qui nous ont amené aussi au constat que, depuis 2011, bien peu d’articles ont été publiés sur le sujet en dehors de nos contemporains canadiens.
Le terrorisme intime évoque les comportements de contrôle excessif d’un partenaire envers l’autre, en utilisant plusieurs recours comme la violence physique, économique, sexuelle.
La violence situationnelle, elle, est déclenchée par un événement.
Quant à la violence post-séparation, elle se produit lorsque le partenaire prend la décision de finir sa relation et que l’autre est motivée par la vengeance.
La justice va avoir deux fonctions majeures dans les violences conjugales : protéger la victime et sanctionner l’auteur. Par contre, elle ne permettra en aucun cas d’apaiser la situation conflictuelle. Elle aura même tendance à l’accentuer.
La justice n’a pas pour rôle dans ces situations de faire en sorte que la communication soit meilleure, et que le lien soit rétabli ; elle va réaffirmer la règle de droit et condamner le responsable des rapports de force.
Dans certaines circonstances, faut-il avoir comme objectif de rétablir le lien ? Pas si sûr ! Si nous comprenons aisément la place incontournable de la justice dans le cadre des violences conjugales, de prime abord, la médiation n’est pas l’outil qui parait le plus adapté.
Ce sujet évoqué régulièrement par les médias est une thématique complexe et, pourtant, chacun a un avis tranché sur le sujet. Essayons, sans a priori et sans polémique, d’imaginer si la médiation pourrait avoir un intérêt dans le cadre des violences conjugales.
Lire aussi notre article : Un conflit : et si on décidait d’une médiation comme alternative à la justice – Acte 1
Les arguments en défaveur de la médiation
Comme vue précédemment, la violence conjugale a sa source dans les rapports de domination. Rappelons-le, la médiation doit respecter des principes auxquels elle ne peut déroger, à savoir l’impartialité, la neutralité et le caractère volontaire du processus.
Cela signifie que le médiateur ne doit pas prendre partie ni pour l’un ou ni pour l’autre des médiés. Si une solution émerge, ce sera forcément une solution imaginée par les parties. En aucun cas, le médiateur ne pourra avoir un avis sur le contenu de cette solution même si celui-ci la trouve déséquilibrée.
Enfin, la médiation est un processus volontaire. La liberté en médiation est une notion fondamentale et la contrainte n’y est pas admise. Comment faire concilier ces notions fondamentales avec un contexte de violence conjugale ? Cela semble difficile.
Sur l’aspect volontaire, les femmes acceptent parfois la médiation pour de mauvaises raisons. La médiation pourrait déclencher l’obligation pour la personne vulnérable d’accepter cette alternative afin d’assurer le bien-être de ses enfants. La victime se sentirait alors obligée de devoir négocier avec son agresseur. Elle vivrait là une nouvelle contrainte et resterait soumise.
Sur le volet de l’impartialité, le médiateur aura une équité de traitement. Il ne pourra pas montrer que la victime pourrait être en situation de faiblesse et donc, dans certains cas, être dans l’incapacité d’exprimer son point de vue. Celui qui est violenté n’aura pas forcément une libre expression face à son auteur. Plus encore, par sa posture, le médiateur pourrait accentuer l’aliénation de la personne victime de violence conjugale.
Ainsi, on comprend aisément que la médiation n’aura pas vocation à faire renverser ce rapport de domination. Elle ne va pas non plus rétablir un équilibre dans les jeux de pouvoirs qui peuvent s’exercer.
Plus encore, par son mécanisme même, la médiation pourrait faire croire à l’agresseur que son comportement violent est acceptable puisque non sanctionné. L’entente de la médiation expose la personne violentée au risque d’entretenir un lien avec son agresseur au sein d’une garde partagée des enfants, ce qui est souvent privilégiée par la médiation familiale.
La violence conjugale ne serait donc pas reconnue aux yeux de la victime. Celle-ci pourrait vivre une véritable situation d’injustice et considérer que l’auteur peut agir en toute impunité.
Enfin, le pire des cas serait la non détection par le médiateur de la violence au sein du couple ; ceci pourrait avoir des conséquences sur la sécurité de la victime et de ses enfants.
Pour clôturer cet argumentaire, n’oublions pas que l’auteur peut être atteint d’une pathologie. La pathologie psychiatrique ne permet pas la médiation.
Lire aussi : La violence expliquée aux enfants
Les arguments en faveur de la médiation
La médiation est toujours une magnifique opportunité pour construire un dialogue. Si le médiateur considère que la violence n’est pas structurelle mais contextuelle, de type réactif face à une situation vécue, que l’auteur des faits n’est pas pathologique, que la victime n’est pas sous emprise et qu’elle est en capacité de négocier et de défendre ses propres intérêts, pourquoi ne pas tenter une médiation ?
Il faudra alors avoir recours à un médiateur expérimenté et spécialisé. Ce type de médiation restera donc exceptionnel.
Si nous voyons que la médiation familiale n’est pas l’option première sur les situations de violence au sein du couple, elle parait un allié incontournable pour détecter ce type de violence. Et dans ces conditions, la médiation aurait toute sa place !
Ainsi, la médiation pourrait aider à recueillir de l’information afin de dépister des situations d’abus et des menaces, d’entreprendre des mesures de sécurité et de passer le relai à la justice qui reste l’acteur le plus à même de traiter ces situations.
Si nous avons l’habitude de dire que la médiation est un incontournable des relations humaines, dans le cadre des violences conjugales, ce n’est pas un processus adapté. En revanche, les détecter serait une des missions de la médiation familiale nous semble-t-il.
Nous finirons cet article par une citation de Judith Lewis Herman, célèbre psychiatre connue pour ses contributions à la compréhension du traumatisme et de ses victimes : « Dans les situations de captivité, l’agresseur devient la personne la plus puissante dans la vie de la victime, et la psychologie de la victime est façonnée par les actions et les croyances de l’agresseur ».
Tout est dit ! Un bon médiateur est aussi un professionnel qui doit être conscient de ses limites afin d’éviter d’ajouter du malheur au malheur.
©Hermès Médiation – centre de médiation – Poitiers
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